Dans son dernier roman “Les frères Abid”, Saâd Taklit propose une saga familiale sur plusieurs générations, dédiée au “clan de Tafat” depuis la résistance à l’occupation française, en passant par les années d’exil et de persécution explorant ainsi la composante sociale, les coutumes, et l’histoire de la région de Bougaâ dans la wilaya de Sétif.
Publié récemment aux édition Rafar, cet ouvrage de 187 pages se base sur des témoignages que l’auteur a lui-même recueilli auprès de ces proches et les membres les plus âgés de sa famille.
Cette saga familiale commence avec l’histoire de “l’ancêtre”, Braham, Djoudi Ben Mohamed de son vrai nom qu’il a caché jusqu’à sa mort, né en 1845 dans le village de “Taddarth” dans la vallée de la Soummam, et qui avait pris part à la résistance d’El Mokrani en 1871 à la tête d’une trentaine d’hommes de son village.
Voyant sa tête mise à prix, Braham est contraint de fuir son village natal vers un avenir incertain qui le mènera, grâce à une rencontre providentielle, à Bougaâ où il va s’installer sous un nouveau nom et en se réinventant une vie des plus ordinaires pendant dix ans.
A ce moment du récit, le roman est également une occasion pour l’auteur de brosser un tableau de l’Algérie colonisée, il revient sur l’accroissement du nombre de la population européenne et sur l’adoption du code de l’indigénat, “un code de la honte qui assujettie les populations autochtones”, qui sera suivi par la grande vague de colonisation urbaine.
A Bougaâ, Braham laissera ses enfants Abid, Achour, Mouloud, Smaïl et Djamila en plus d’un olivier ramené de son village natal et replanté dans ses nouvelles terres. Cet arbre symbole de paix et source de revenus va déclencher une querelle de voisinage soldée par un meurtre involontaire. Achour fils de Braham va tuer son voisin.
Ce nouvel épisode, qui se déroule en 1913, va également renseigner sur les traditions algériennes pour résoudre les conflits, pour la première fois, une famille algérienne a recours à la justice coloniale et tourne le dos à des siècles de traditions tribales et religieuses.
Le récit propose alors un tout autre univers, Smaïl se sacrifie à la place de son frère père de famille, et se voit condamner au bagne de Cayenne. Commence alors une toute autre histoire entre le bateau transportant les bagnard et les travaux forcés en Guyane française.
En transmettant ces témoignages qui s’étendent sur plus d’un demi-siècle de litiges familiaux, de déboires avec l’autorité coloniale et de petits événements du quotidien, Saâd Taklit reconstitue la vie des algériens colonisés dans cette région tout en mettant en avant les principes et les codes sociaux de l’époque.
Né en 1948 à Bougaâ, Saâd Taklit, diplômé en sciences économiques, a publié son premier ouvrage “Djebel Tafat” en 2012 en Algérie et en France, qui sera suivi de “Le journal de Rachid” en 2015, “L’allemand de mon village” en 2016 et “Récits de miel et de sang”, sorti en 2019.